Dimanche 1 mars 7 01 /03 /Mars 13:07


II




-          Allez, réfléchis un peu !
Concentre-toi, observe et trouve ce qui cloche !




 




Assise sur l’une des marches de l’escalier donnant sur la pièce principale de la maison, Keira promenait lentement son regard de gauche à
droite, puis de droite à gauche, cherchant le détail qui pourrait apporter un début de réponse aux nombreuses questions qu’elle se posait.









-          Réfléchis ! se répéta-t-elle.









Pressentant qu’elle n’apprendrait rien de plus, pour le moment, sur les causes de la mort de Christophe Marques, elle avait laissé Elise
Marchetti patienter dans la chambre, pour partir explorer les autres pièces de la maison situées au premier étage. Elle n’y avait rien trouvé d’intéressant, si ce n’est, dans certaines
d’entre-elles, encore des agents de la scientifique. De plus en plus intriguée par tout ce déballage de moyens, elle avait fini par demander à l’un d’entre eux où se trouvait leur responsable,
mais, curieusement, il semblait que personne ne savait où était ce responsable, ni même qui il était. « On a reçu un ordre de mission, lui avait-on répondu à un moment, et
nous exécutons. ». Quelqu’un avait fait appel à eux : qui ?









Partout où se posait son regard, elle apercevait une personne en combinaison blanche ; il n’y avait pas un seul policier en uniforme,
pas plus qu’elle ne voyait d’hommes ou femmes en civil qui pourraient passer pour un lieutenant ou autre enquêteur. Il ne semblait y avoir présent, à l’instant même, que le personnel de la
P.S.T, la légiste et elle-même.









Keira s’intéressa à l’écran télé, toujours en sourdine, et lut les bandeaux « alerte info », qui défilaient sous les deux
animateurs de BFM TV : « Découverte, dans la matinée, du corps sans vie de Christophe Marques », « Mort suspecte, dans des conditions
étranges »… « Ces journalistes en savent tout de même un peu trop », pensa-t-elle dubitative.









Elle s’intéressa à nouveau à ce qu’il se passait dans la pièce ; les agents de la P.S.T semblaient en avoir terminé avec leur
recherche car plusieurs évacuaient les lieux en transportant d’imposantes mallettes et en laissant un grand désordre derrière eux. Keira s’intéressa à ce désordre se mit à penser que les
recherches minutieuses de la scientifique ressemblait étrangement à une fouille en règle et sans ménagement de la maison.









-          C’est ça ! s’exclama-t-elle en se redressant d’un bond.









Une lueur brilla rapidement dans les yeux de la jeune femme, ce type de lumière qui illumine votre regard lorsque vous faites une
découverte, ou bien lorsque vous avez une idée lumineuse ou que vous pensez détenir un début de réponse ou de vérité à une problématique donnée. Tout en descendant les dernières marches de
l’escalier, elle observa la grande scène sous un nouvel aspect et ce qu’elle y vit conforta un peu plus l’idée qui venait de germer dans son esprit.









-          Qui êtes-vous et que faites-vous ici ?









Keira s’arrêta net au pied de l’escalier et dévisagea l’homme, en complet sombre, qui semblait courir à elle tant il marchait vite. L’espace
d’une seconde, elle eut l’impression de lire dans son regard, presque aussi sombre que son costume, une lueur d’affolement.









-          Capitaine Keira Leroy, S.R.P.J, répondit-elle une fois que l’homme se fut arrêté à quelques centimètres d’elle. A qui ai-je l’honneur ?




-          Que faites-vous ici ?









Elle ignorait encore qui pouvait être cet homme, mais il l’agaçait déjà fortement avec son ton sec, claquant, et son air hautin qui vous dit
que vous n’êtes rien de plus qu’un vulgaire insecte qui dérange.









-          Je suis venue pour le barbecue géant, répondit-elle sarcastiquement et avec un grand sourire. Mais il me semble que la météo n’est pas au rendez-vous.
Le barbecue a été annulé ?




-          Vous vous croyez drôle ?




-          Je crois surtout, cher monsieur, que je vais vous coller mon poing dans le gueule, si vous ne descendez pas immédiatement de votre pied
d’Estale !









L’homme s’approcha encore un peu plus. Du haut de ses 1m80, il surplombait Keira de deux têtes, la toisant comme un gladiateur triomphant de
son adversaire et sur le point de lui asséner le coup de grâce. Mais cela n’impressionna aucunement la jeune femme.









-          Je vous retourne la question, dit-elle en desserrant à peine les dents. Qui êtes-vous ?









L’homme se recula de quelques pas en affichant une grimace qui se voulait, peut-être, être un sourire. Il prit quelques secondes pour
détailler plus attentivement ce petit bout de femme qui lui tenait tête avec un tel aplomb. Au-delà des vêtements bouffant qu’elle portait, il devinait un physique frêle, ce qui ne signifiait
pas qu’il n’était pas athlétique, et la lueur noire qu’il voyait dans son regard lui laissait à penser qu’elle n’hésiterait pas une seule seconde à lui coller son poing dans la gueule. Au fond
de lui, il savait qu’il le méritait bien, à la manière dont il avait engagé les hostilités.









Stéphane Lemoine, 42 ans,  n’était pourtant un homme d’un naturel agressif ; il était plutôt quelqu’un de tranquille, posé, mesuré
et courtois. Mais aujourd’hui son sens de la mesure s’était quelque peu éclipsé, pour laisser la place à une forte anxiété. Il avait conscience que lui et son équipe marchaient sur des œufs,
flirtaient à la frontière de la légalité. Jusqu’à cet instant, il était persuadé que tous les flics locaux, à part ceux en faction à l’extérieur, avaient vidé les lieux, qu’il ne restait plus
que la toubib de l’I.M.L et qu’ils avaient donc le champs libre pour leur fouille. Et voilà qu’il tombait sur un imprévu non souhaitable, le grain de sable qui pouvait enrayer la machine,
mettre en l’air toute l’opération si cela devait s’ébruiter. Il avait cédé à un moment de panique, preuve que cette histoire, où il fallait jouer très serré, trop, commençait à lui peser
beaucoup.









Sa grimace se changea en un véritable sourire, ce qui eut pour effet immédiat de modifier sa physionomie, le rendant beaucoup plus
sympathique, presque charmant. Il tira une carte professionnelle de sa poche et la présenta à Keira.









-          Commandant Lemoine, dit-il sur un ton bien plus amical que précédemment.









Keira ne put retenir une expression de stupéfaction. L’espace d’un instant, le temps que ses idées se remettent en ordre, elle se demanda si
elle n’était pas encore chez elle, dans son lit chaud et douillet, et si tout ceci, au final, n’était pas un simple rêve tant les évènements semblaient toujours se diriger vers une histoire
improbable, digne d’une série policière américaine.









-          Je comprends votre étonnement.




-          Etonnement ? Je ne suis pas certaine que cela soit le bon mot… Incompréhension serait plus juste ! Qu’est-ce qu’un officier d’INTERPOL fait
ici ?









Lemoine se mordit la lèvre supérieure dans un tic incontrôlé, nerveux. Le moment des questions embarrassantes étaient venues, d’autant plus
embarrassantes qu’il savait pertinemment que l’officier du S.R.P.J avait tous pouvoirs sur lui : officiellement, il n’avait pas à se trouver ici.









-          Je pense que vous êtes assez intelligente pour comprendre qu’il y a des questions auxquelles je ne suis pas en mesure d’apporter de réponses, n’est-ce
pas ?









Il scruta le visage de Keira pour tenter d’y trouver une quelconque émotion, mais, la stupeur passée, la jeune femme semblait s’être
retranchée derrière un mur d’impassibilité à toute épreuve.









-          Toutefois, reprit-il, sachez que cela n’a aucun rapport avec le motif qui vous a amené ici. En fait, je dirais que c’est une suite de circonstances…
inattendues, qui nous place, tous deux, au même endroit, au même moment… Vous et moi sommes sur deux affaires bien distinctes, ajouta-t-il avec insistance.









Sans dire un mot, Keira se déplaça vers le centre de la pièce devenue très calme. Tous les hommes de la scientifique étaient partis, mais il
planait toujours une atmosphère particulière, bien plus étrange que lorsque la maison grouillait d’hommes en combinaison blanche. Son esprit tournait à une vitesse incroyable ; des images,
des suites d’idées s’y bousculaient, s’y entrechoquaient avec une telle violence, qu’elle commençait à ressentir une petite douleur au niveau des tempes. La présence de la presse,
d’informations que les journalistes semblaient détenir alors que rien n’avait dû filtrer de cette maison, ou n’aurait dû filtrer, l’exposition du corps de Christophe Marques, comme s’il s’était
agi d’une mise en scène destinée à choquer les esprits de puristes, ou encore à faire du tort à son père, et, à présent, l’apparition d’un agent d’INTERPOL… Tout ceci formait une immense
spirale d’idées folles, farfelues, hypothétiques, et, sans même savoir si elle était face à  un meurtre ou à autre chose, Keira devinait qu’elle était à la porte d’une histoire compliquée,
d’une enquête à embûches dont elle se serait peut-être bien passée.









L’escalier se mit à résonner sous de nombreux pas lourds. Les dernières personnes de la police scientifique, celles qui se trouvaient encore
dans les différentes pièces de l’étage, partaient à leur tour. L’une d’elles s’arrêta quelques secondes au niveau de Lemoine et lui murmura quelque chose à l’oreille. Puis il reprit son chemin,
portant un étrange sac de sport. Keira eut la brusque envie de l’arrêter et de lui intimer l’ordre d’ouvrir son bagage, mais elle se ravisa par manque de certitude, d’assurance. C’était la
première fois qu’elle se retrouvait confrontée à une telle situation, perdue dans un immense brouillard d’interrogations, plus certaine d’être à sa place face à un flic d’INTERPOL, et, bien
qu’elle s’efforça, du mieux qu’elle le pouvait, de ne rien laisser paraître, elle se sentait très mal à l’aise et regrettait presque d’avoir envoyé Franck au poste de police de Provins.









-          Des circonstances inattendues…, finit-elle par dire à voix très haute, comme pour se redonner un peu d’assurance. Voilà une bien jolie formule, mais qui
ne veut rien dire, au fond. Me permettez-vous de vous exposer une théorie ?




-          Je doute que je puisse vous en empêcher, répondit Lemoine.




-          Je ne sais plus vraiment si les hommes qui viennent de partir sont vraiment de la P.S.T ou non, mais je suis certaine qu’ils sont venu à votre demande,
ou à celle de votre hiérarchie, ce qui revient au même. Si, comme vous me l’avez dit, vous n’êtes pas ici pour la même raison qui m’y a amené, cela veut dire que la victime ne vous intéresse
pas ; donc, c’est son père !...









A son tour, Keira essaya de deviner l’effet que produisait ses mots sur Lemoine, mais lui aussi s’était retranché derrière une expression
totalement neutre d’émotion.









-          Sauf erreur, reprit-elle, vous avez beau être d’INTERPOL, vous n’en êtes pas moins soumis aux lois en vigueur dans les pays où vous intervenez, n’est-ce
pas ?




-          Continuez.




-          Donc, en France, pour procéder à une perquisition, sans l’accord de l’intéressé, vous devez obtenir une ordonnance d’un juge. En temps normal, ce n’est
déjà pas une chose aisée, mais, là, s’agissant d’une personne de l’importance de Marques…









La spirale semblait tourner moins vite, à mesure que Keira exposait sa théorie. En réalité, elle réfléchissait plus à haute voix qu’elle ne
s’adressait réellement à Lemoine. Ce dernier l’écoutait en silence et ne pouvait s’empêcher d’admirer l’esprit de perspicacité de cette jeune femme.









-          N’ayant pu obtenir cette fameuse ordonnance, poursuivi-elle, vous avez trouvé une bonne excuse pour procéder à votre perquisition en toute légalité,
même si cela vous place border line : faire intervenir des agents, supposés être de la P.S.T, sur les lieux d’une mort suspecte !









Keira se tut et planta son regard dans les yeux de Lemoine. Même si son sentiment de mal à l’aise n’avait pas totalement disparu, elle se
sentait revenue vers une assurance qui lui correspondait bien plus.









-          Que pensez-vous de ma théorie ?




-          C’est une belle théorie.




-          Votre regard vous trahit… Je sais, maintenant, que je suis dans le vrai !... Comment avez-vous su ?




-          Su quoi ?




-          Pour le fils Marques ! Comment avez-vous su pour sa mort ? Qui vous a prévenu ?









Un applaudissement, en haut de l’escalier, coupa court au questionnement, pour le plus grand soulagement de Lemoine qui commençait à se
sentir acculé.









-          J’adore cette fille ! s’exclama Elise en descendant les marches. Elle a un esprit de déduction qui me fascine depuis que je la
connais !




-          Fascinant est le mot juste ! répondit Lemoine en adressant un grand sourire à la légiste.




-          As-tu trouvé quelque chose d’intéressant ? questionna Keira.




-          Non, si ce n’est que l’heure de la mort doit remonter aux alentours de 3 heures du matin. Pour la cause, il va falloir attendre que le corps et moi
soyons à l’IML.




-          Bon, mesdames, mon travail étant terminé ici, je vous souhaite une bonne continuation !




-          Je n’en ai pas encore fini avec vous !









Lemoine lança un regard noir à la jeune femme ; la nervosité était en train de reprendre le dessus sur son caractère mesuré et cette
conversation n’avait déjà que trop duré à son goût.









-          Comment avez-vous su ?




-          Demandez-vous, plutôt, comment eux l’ont su ! répondit-il en pointant du doigt la télévision. Pour tout le reste, capitaine Leroy, ce n’est pas
votre affaire !




-          Certains des indices que vos hommes ont pu prélever sont mon affaire !




-          Si la mort de votre victime n’est pas due à une cause naturelle, alors votre patron contactera mon patron.









Sur ces mots, Lemoine tourna les talons et quitta la maison comme s’il avait soudainement le diable à ses trousses. Dehors, la pluie avait
enfin cessé de tomber, mais le ciel restait chargé en nuages épais et menaçants. Arrivé à l’entrée de l’impasse, il s’arrêta et prit une grande bouffée d’air frais, avant de sortir son
téléphone de la poche intérieure de sa veste.









Keira s’était
mise à faire les cents pas, maugréant des choses incompréhensibles, fulminante de rage. Elle finit par stopper devant Elise, qui l’observait avec un œil amusé, et lui aboya presque
dessus.




 




-          Pourquoi ne m’as-tu pas dit qu’il y avait un flic d’INTERPOL ici ?!




-          Oh, du calme ma belle, répondit Elise, je ne suis pas ton ennemie ! INTERPOL ? Ce gars est d’INTERPOL ?




-          Tu ne le savais pas ? Il n’était pas là quand tu es arrivée ?




-          Si, mais nous n’avons pas été présentés. C’était bourré de flics ici et je l’ai pris pour l’un d’eux, tout simplement.




-          A quelle heure es-tu arrivée ?




-          Vers 13 heures 30.




-          13 heures 30, répéta Keira pour elle-même. Il faut que j’arrive à faire la chronologie des évènements !... Oui, c’est ça : mettre les choses
dans le bon ordre… Il faut que j’appelle Franck !









L’accalmie
n’avait été que de très courte durée ; à nouveau, un rideau de pluie s’abattait sur Provins, accompagné d’un vent aux rafales par instants puissantes et glaciales.









A l’abri dans sa Golf, stationnée Place du 29eme Dragon, face au poste de police, Franck semblait hypnotisé par les grosses gouttes qui
s’écrasaient contre son parebrise. Son visage, si dur, paraissait bien plus doux, comme si un ange était venu le caresser et y avait allumé une étincelle d’humanité dans son regard éteint de
toute tendresse. Il était songeur, rêveur peut-être, emporté dans un moment de plénitude dû à un afflux de souvenirs venus d’un temps où tout était si simple, si clair, ou le noir était noir et
le blanc si magnifiquement limpide.









Même s’il était incapable de l’avouer à quiconque, si ce n’est à lui-même, refaire équipe avec Keira ne le laissait pas indifférent. Il
avait vraiment beaucoup aimé cette femme, même s’il n’avait jamais su l’aimer, et il l’aimait toujours autant, mais savait que tout espoir d’une seconde chance était exclue. Il avait
merdé ; il avait joué au con ; il était con.









Il n’avait pas toujours été l’homme qu’il était aujourd’hui. Autrefois, on le considérait même comme un excellent flic, juste et droit,
respecté, apprécié, aimé. Un évènement tragique l’avait fait basculer, avait changé le cours de sa vie. Cela ne s’était pas passé soudainement, mais lentement, jour après jour, mois après mois,
comme un poison vicieux qui s’immisce dans le sang. Il était devenu de plus en plus violent, intolérant, raciste, s’enfonçant toujours plus profondément dans la noirceur de sa propre âme en se
nourrissant de celles des autres. Il était devenu un flic ripou comme bien d’autres avant lui, comme le deviendraient bien d’autres après lui. Le bien et le mal avaient fini par devenir une
notion abstraite et les règles un mensonge éhonté. Les seules règles auxquelles ils croyaient encore étaient celles qui l’empêchaient de se faire prendre et il était passé maître dans leurs
nombreuses utilisations. Ce que les gens pensaient de lui le laissait totalement indifférent, le faisait même parfois sourire ou rire, mais ce que Keira voyait en lui le blessait profondément.
Il aurait aimé la rencontrer bien plus tôt, avant qu’il ne franchisse le point de non-retour. Pendant quelques temps, il avait cru, espérer, pouvoir revenir en arrière, sortir de sa noirceur,
revenir à la lumière. Mais cela n’avait été qu’un vulgaire espoir sans lendemain. Elle ne savait pas ce qui l’avait ainsi transformé ; il ne lui en avait jamais parlé… Peut-être aurait-il
dû…









La lueur, dans le regard, commença à s’effacer ; lentement, Franck revint à la réalité, sa réalité, celle d’une vie dont il avait
conscience qu’elle finirait par s’arrêter, un jour ou l’autre, de manière violente. Il prit la feuille de papier, pliée en quatre, qu’il avait glissé dans l’une des poches de sa parka et
esquissa un sourire de dépit. Il était venu jusqu’ici pour rien : la femme de ménage était déjà repartie et il n’avait récolté que la copie de sa déposition, un témoignage tenant sur une
page et n’apportant aucune information intéressante.









Les vibrations de son téléphone, dans la poche de son pantalon, le firent sursauter. Lorsqu’il vit s’afficher le prénom, il ressentit comme
une étrange chaleur lui parcourir tout le corps. Il n’avait jamais pu effacer Keira de son répertoire ; apparemment, elle non plus.









-          Salut, capitaine !









Il s’en voulut aussitôt d’avoir dit cela et sur un ton quelque peu agressif. « Tu n’es qu’un con ! », pensa-t-il.









-          Dis-moi ce que tu as appris !




-          La femme de ménage était déjà partie. Je n’ai qu’une copie de sa déposition et il n’y a rien de passionnant.




-          Mais encore ?









Franck déplia la feuille de papier et entreprit de faire un résumé de la courte déposition.









-          Quand elle est arrivée à la baraque, elle a commencé par faire le ménage au rez-de-chaussée. Selon ses dires, il s’est écoulé presque deux heures avant
qu’elle arrive à la chambre et trouve le fils Marques.




-          A quelle heure est-elle arrivée ?




-          A neuf heures tapante : c’est l’heure à laquelle elle prend son service, selon ce qui est écrit sur ce rapport.




-          Donc, elle prévient les secours aux alentours de midi…




-          En fait, ce n’est pas elle qui appelle police secours. Il est écrit : j’ai été prise de panique ; j’ai couru à l’extérieur de la
maison en criant et je suis tombée sur un homme. C’est cet homme qui a téléphoné au 17.




-          Qui est cet homme ?




-          Aucune idée. Il n’a pas attendu l’arrivée de la police.




-          Curieux, non ?




-          Que quelqu’un appelle les flics et ne les attend pas ? Non, ça n’a rien de curieux. C’est même assez fréquent.




-          Comme s’il avait été au bon endroit, au bon moment, poursuivit Keira sans tenir compte de la réflexion de Franck.




-          Je t’accorde que Provins n’est pas une grande ville, mais ce n’est pas non plus un village désertique. Y croiser quelqu’un, dans la rue, à midi, n’a
rien d’extraordinaire !




-          Oui, sans doute.




-          T’es toujours à la baraque ?




-          Oui, mais je vais partir. Ils sont en train d’amener la victime à l’IML… Où habite la femme de ménage ?




-          A Provins, avenue Alain Peyrefitte.




-          Vas-y et tâche d’en apprendre un peu plus sur cet homme, surtout sa description. De mon côté, je vais demander une copie de cet appel à Police
Secours.









Franck sentait que quelque chose ne tournait pas rond. Keira était tracassée ; elle ne lui parlait pas réellement, mais semblait plutôt
réfléchir à haute voix.









-          Qu’est-ce qu’il se passe ? finit-il par demander.




-          Je n’en sais rien encore… Je pense que nous avons mis le nez dans quelque chose de pas très clair.




-          C’est toi qui ne l’est pas… claire !




-          Je sais… On en reparle quand on se retrouve au SRPJ.









La place du
Châtel s’était rapidement vidée avec le départ de l’ambulance transportant le corps de Christophe Marques. La grande majorité des journalistes étaient partis à sa suite et ceux qui étaient
encore sur place s’affairaient à remballer leurs matériels. D’ici moins d’une heure, ils se retrouveraient tous devant l’hôpital de Melun, attendant que tombent les informations qu’ils
n’avaient pu obtenir jusqu’alors et attendant, tels des charognards, le moment où se présenterait le député Marques.









Installé à l’arrière d’un véhicule de la police nationale, Keira regardait défiler lentement la place sous ses yeux. Elle venait de parler
avec son patron, par téléphone, et elle l’avait trouvé très étrange, peut-être embarrassé, et, ce, avant même qu’elle ne lui fasse part de sa discussion avec un officier d’INTERPOL. Il avait
fini par lui ordonner de rentrer au plus vite au SRPJ.









La voiture passa auprès d’un minivan au couleur de BFM TV. Deux hommes terminaient d’y fourrer leurs matériels, tandis que, assise à
l’avant, une femme, aux longs cheveux roux ondulants, était suspendue à son téléphone. « Demandez-vous plutôt comment eux ont su… »









En arrivant sur lieux et en découvrant la cohorte de journalistes, Keira avait supposé qu’ils avaient interceptés des communications sur les
ondes radios de la police, mais à présent, avec un peu de recul et ce que lui avait lancé Lemoine, comme un message caché, de nouvelles hypothèses germaient dans sa tête.









-          Arrêtez-vous !









La voiture tout juste arrêtée, Keira en descendit à la hâte et alla frapper à la portière du minivan. La journaliste eut un sursaut qui lui
fit lâcher son téléphone, puis, voyant la carte tricolore qui lui était présentée, elle s’empressa de descendre la vitre.









-          Oui ?




-          Capitaine Keira Leroy, SRPJ. J’ai quelques questions à vous poser.




-          Voilà qui tombe bien, car, moi, j’en ai des tonnes ! Mais ne restez pas sous la pluie…




-          Je n’ai pas le temps ! coupa sèchement Keira en bloquant, d’une main, l’ouverture de la portière. Comment vos confrères et vous-même avez-vous su
ce qu’il se passait ici ?









Le sourire qu’avait affiché la journaliste s’estompa sous le ton sévère, mais elle ne se braqua pas pour autant. Elle avait assez
d’expérience dans le métier pour savoir combien il pouvait être profitable de collaborer avec la police, encore plus lorsqu’il s’agissait d’un capitaine. Ses yeux noisette se mirent à pétiller
de malice.









-          Vous savez que je ne suis pas tenue à vous communiquer des infos concernant nos éventuelles sources de renseignements, dit-elle en retrouvant son
sourire.









Keira n’avait qu’une très faible expérience dans la communication avec les membres de la presse, mais, ne percevant aucune agressivité dans
l’intonation de la journaliste, elle devina qu’un terrain d’entente pouvait se trouver entre elles.









-          Pour l’heure, lui répondit-elle, je n’ai rien de croustillant à vous communiquer, mais, si vous collaborez, je vous promets de vous avertir, dans la
mesure du possible, de l’avancée de l’enquête… si enquête il doit y avoir.




-          Rien de croustillant ? Vraiment ? Pourtant, on dit que le fils du député aurait été retrouvé dans une situation fort peu convenante… pour son
père !




-          Peu convenante ? Il est mort ! Quelle convenance ou non convenance peut-on trouver dans la mort ?




-          Vous savez où je veux en venir, n’est-ce pas ?




-          D’où tenez-vous vos sources ? Pas d’un autre flic, autrement vous ne seriez pas en train de discuter avec moi… Répondez-moi, s’il vous
plait.









La journaliste prit quelques secondes pour réfléchir, ou faire mine de réfléchir, puis elle sortit une carte de visite d’une de ses poches
et la tendit à Keira.









-          Il y a eu un appel anonyme à l’AFP, dit-elle. Voilà comment nous avons tous été prévenus.









Keira lut le nom sur la carte, avant de la fourrer dans la poche arrière de son jean. : Sandrine Avallon.









-          L’appel d’une femme ? questionna-t-elle.




-          Non, un homme.




-          Et que dit cet homme ?




-          Exactement, je ne saurais vous le dire : je n’ai pas entendu l’enregistrement. En revanche, la dépêche que nous avons reçue nous expliquait que
Christophe Marques venait d’être retrouvé mort, que son cœur n’aurait pas résisté à des jeux sexuels douteux… que la manière dont le corps a été retrouvé ferait rougir son père avec sa bonne
morale… Comment son corps a-t-il été retrouvé ?




-          A quelle heure avez-vous été prévenu ? demanda Keira, ignorant volontaire la question de Sandrine.




-          Aux environs de midi et demi.









« Trente minutes après que la femme de ménage aurait trouvé la scène macabre, pensa Keira. C’est court, très court… »









-          Vous est-il possible d’avoir une copie de cet enregistrement ?




-          Oui, répondit Sandrine, mais il va me falloir quelque chose de votre part en échange !




-          Trouvez-moi cet enregistrement. Je vous appelle ce soir, demain matin au plus tard !

Par laplumeoccitane46 - Publié dans : Le masque de Titia - Communauté : Récits Erotiques X
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