Mardi 12 mai 2 12 /05 /Mai 14:21

Les canons avaient enfin cessé de parler sur Omaha la sanglante. L’acharnement des alliés avaient fini par payer : les unes après les autres, dans la douleur et les cris, les positions allemandes étaient tombées aux mains des soldats américains. A présent, beaucoup s’affairaient à nettoyer la plage tandis que des barges continuaient à faire des aller-retour pour débarquer de nouvelles troupes, mais aussi des véhicules militaires : jeeps, camion, char. Sur les hauteurs, un homme prenait des clichés de ce qu’il restait du champ de bataille ; il ne portait aucune arme, simplement un appareil photo et sur la veste de son treillis militaire, en plus de la bannière étoilée, un écusson « presse » indiquait qu’il n’était pas un combattant. Son attention était captivée par les hommes du corps médical militaire qui, de l’eau jusqu’à la taille, récupéraient les cadavres flottant encore à la surface. Ils étaient malmenés par les ressacs et il fut frappé par la couleur des vagues venant mourir sur la plage : rouge. Il finit par baisser son appareil photo d’un mouvement étrangement lent. Son teint était devenu livide ; il se sentait gagné par un immense dégout. Il s’assit sur le bord du promontoire, les pieds dans le vide, puis sortit un petit calepin et un crayon à papier. D’un geste nerveux, il se mit à écrire.

« J’ai débarqué sur Omaha Beach avec la troisième vague d’assaut. La grande porte de notre péniche s’était à peine abattu dans l’eau, que je découvrais un spectacle apocalyptique, un enfer indescriptible.

Je me suis jeté à la mer, en même temps que les soldats ; j’avais de l’eau jusqu’à la poitrine ; elle était glacée. Les militaires hurlaient tout autour de moi ; j’entendais les balles siffler au-dessus de ma tête ; certaines venaient s’abattre dans la mer, à quelques centimètres de mes pieds.

Je suis arrivé assez vite derrière une de ces fameuses asperges de Rommel ; j’y suis resté un court moment, le temps de prendre quelques clichés et c’est à ce moment que j’ai commencé à voir les soldats immobiles, flottants sur l’eau. Un peu plus loin, sur le sable, gisaient d’autres cadavres, si nombreux qu’il était impossible d’en définir le nombre. Il y avait aussi des véhicules, ou plutôt des carcasses de véhicules encore fumantes.

Un soldat m’a crié de ne pas rester dans l’eau ; je me suis mis à avancer en me protégeant derrière tout ce qui pouvait me faire un rempart aux balles, le plus souvent, derrière des corps humains. J’ai réussi, tant bien que mal, à atteindre le grand mur anti-char où je suis resté recroquevillé pendant un temps indéterminé.

Au moment où j’écris ces quelques mots, il y a une odeur indescriptible dans l’air, pestilentielle : la poudre, le feu… la mort. »

 Le journaliste s’arrêta d’écrire ; sa tête continuait à résonner des cris et des coups de canons, un bourdonnement qui lui devenait insupportable. Quelque chose, en bas, attira son œil de photographe : un Sherman tentait de se frayer un chemin au milieu de cadavres ; le conducteur avait fini par s’arrêter, de peur de rouler sur l’un d’eux. L’appareil photo crépita ; quelques clichés supplémentaires pour son journal, pour l’Histoire. Il eut soudain des hauts le cœur ; jusqu’à présent, dans le feu de l’action, il avait pris un tas de photos tel un automate, sans vraiment se rendre compte de l’horreur à laquelle il assistait, mais, maintenant que la tension était en train de redescendre, il avait une parfaite conscience du chaos qui régnait tout autour de lui. Avec son appareil photo, il eut l’impression d’être devenu comme un charognard, à la recherche du meilleur cadavre, de la meilleure scène morbide qui pourrait faire le bon cliché. Cette idée acheva de l’écœurer et les hauts le cœur devinrent une violente nausée ; ses nerfs le lâchaient totalement ; des larmes montèrent à ses yeux.

- Ca ne va pas, monsieur ?

Il leva la tête en sursaut en direction de la voix. Il aperçut un jeune soldat, dont l’uniforme était couvert de poussière collée à du sang séché.

- J’ai juste besoin de décompresser un peu, répondit-il. Je suppose que je dois vous paraître stupide ? Après tout, je ne suis qu’un simple journaliste...

- Je ne sais pas… Je pense que, qu’on tienne un fusil ou un appareil photo, on n’est pas différent face à certains évènements.

Il observa un moment le soldat qui s’asseyait à ses côtés, posant son fusil sur ses genoux. Il ne devait pas avoir plus de 25 ans, mais l’expression de son visage lui en donnait dix de plus.

- Vous êtes blessé ?

Le soldat regarda son treillis et il eut un léger rictus que le journaliste interpréta comme étant du dégout.

- Ce n’est pas mon sang, dit-il d’une voix monocorde.  Y a eu cette troué faite par les gars du Génie. On s’est jeté dans la brèche et on a dû déloger les allemands dans les bunkers à coups de grenades. Ensuite, on a eu des combats à la baïonnette… Ce n’est pas mon sang.

Le journaliste n’en eut pas besoin de plus pour comprendre ce qu’avait vécu ce jeune soldat.

- Quel est votre nom ?

- Jack, Jack Porter.

- Moi, c’est Marc Stevenson. Avez-vous déjà combattu sur d’autres fronts, Jack ?

- Non, monsieur ; c’était mon baptême du feu, aujourd’hui… C’est étrange ; j’ai été débarqué avec la première vague, à 6 heures 30, et j’ai tiré mon premier coup de feu plus de quatre heures après. Je crois qu’il ne reste plus beaucoup de survivants de cette première vague ; moi, je suis encore là… Vous ne trouvez pas ça curieux ?

Une grande douleur filtrait dans la voix de Jack. Son cœur saignait d’une blessure profonde ; il avait mal d’avoir perdu tant de frères d’armes, mal d’avoir dû ôter la vie à d’autres hommes, fussent-ils nazis. Ses dernières fibres d’innocence s’étaient définitivement envolées : pour lui, plus rien ne serait comme avant ce mardi 6 juin 1944.

- Comment faites-vous pour tenir ?

- Je me raccroche à un doux souvenir, répondit Jack en fixant l’horizon. Mon esprit s’évade, au-delà de ces navires, pour rejoindre Suzana. Elle m’a fait un beau cadeau, quelques heures avant qu’on ne quitte Portland. Vous me permettez de vous raconter ?

- Bien sûr.

Jack raconta si merveilleusement bien sa dernière nuit sur la terre anglaise, que Marc n’eut aucune peine à voir les images défiler dans son esprit. Il vit le visage de la jeune femme, le décor qui entourait les deux amants. C’était un environnement peu propice à des ébats amoureux, mais il semblait magnifié par la preuve d’amour du lieutenant Susana  Aslan.

- Hey ! Vous deux ! Vous vous croyez où ?

Jack se releva précipitamment, se mettant au garde-à-vous devant le sergent qui lui faisait face. Ce dernier jeta un coup d’œil rapide à Marc, qui n’avait pas bougé d’un pouce, et fit une petite grimace en voyant qu’il était de la presse.

- Soldat, dit-il à l’adresse de Jack, l’heure n’est pas encore à conter tes actes de bravoure ! La guerre, c’est par là !

- Oui, sergent !

Jack se pencha vers le journaliste et, posant une main amicale sur son épaule, lui dit :

- Vous aussi, monsieur, pensez à un évènement heureux. Vous aiderez votre esprit à souffler.

Marc esquissa un sourire en guise de remerciement et regarda s’éloigner le jeune soldat. Une fois qu’il eut disparu de sa vue, il retourna son regard vers la mer, retrouvant la vue de cette incroyable armada qui bouchait toute la ligne d’horizon ; il ferma les yeux, décidé à suivre les conseils de Jack, et commença à voir les images des locaux du journal pour lequel il travaillait. Plus précisément, il se retrouva quelques jours avant qu’il ne quitte New-York pour rejoindre l’Angleterre.

Il était resté à travailler très tard, ce jour-là, si concentré sur sa tâche, qu’il ne s’était pas aperçu que la nuit était tombée depuis un moment. Durant toute la journée, des centaines de messages avaient circulé concernant le début d’une opération de grande envergure en Europe ; certains n’hésitaient pas à dire qu’il allait s’agir d’une opération d’invasion, par la mer, dont l’humanité se souviendrait durant les siècles à venir. Marc avait tenté de faire le tri dans les différentes informations, se doutant qu’il y avait, volontairement, beaucoup de choses fausses destinées aux espions allemands : une telle opération, si elle devait exister, resterait sans doute secrète jusqu’à la dernière minute. Mais une chose était sûre : quelque chose, depuis Londres, était en train d’éclore.

- Vous travaillez bien tard, Marc.

Jane Baker, directrice du journal, bien que toujours célibataire à l’approche de la quarantaine, faisait partie de ces femmes qui ne laisse pas un homme indifférent, sur laquelle on se retourne volontiers à son passage. De longs cheveux noirs ondulés, de grands yeux bleus, une bouche appelant les baisers, Marc, comme bien d’autres, avait succombé aux charmes de sa patronne dès le premier regard, mais il n’avait jamais eu le cran de lui faire la moindre avance.

- Savez-vous que vous êtes le dernier ici ?

- Pas exactement, puisque vous êtes là vous aussi. J’espère, du reste, que ce n’est pas moi qui vous retiens ?

- Et vous, Marc, qu’est-ce qui vous retient aussi tardivement ?

- Des bulletins, des infos, vraies ou fausses. Je n’arrive pas à savoir ce qui est réel et ce qui est de l’ordre du fantasme ! Pourtant, quelque chose se prépare, c’est certain !

Jane avait esquissé un petit sourire qui avait fait briller ses yeux. Elle était venue s’asseoir sur le petit bureau, face à lui, croisant ses jambes de telle manière que sa jupe découvrit l’une d’elles jusqu’à mi-cuisse.

- J’ai une bonne nouvelle pour vous !

- Une bonne nouvelle ? avait répété Marc, quelque peu décontenancé par la vue que lui présentait sa patronne.

- J’ai un très bon ami, au Pentagone, un ami influant qui ne peut rien me refuser. Vous partez pour l’Angleterre dans trois jours ! Vous y intégrerez la 29ème division en qualité de correspondant de guerre.

Marc avait eu beaucoup de mal à croire ce qu’il avait entendu. Il savait que Jane cherchait à placer un de ses journalistes dans une division américaine basée en Angleterre, mais il n’avait jamais pensé que son choix se porterait sur lui, car  il était le dernier arrivé, embauché depuis un peu moins de six mois.

- Vous semblez surpris, Marc ?

- Beaucoup. Je n’aurais jamais cru que vous choisiriez le dernier arrivé dans votre journal pour être votre correspondant de guerre.

- Vous devriez avoir plus confiance en vous. Certes, vous ne travaillez pour que moi que depuis peu, mais nos lecteurs aiment vos articles et votre façon d’écrire. Vous êtes, sans nul doute, le meilleur de mes journalistes !

- Je ne suis pas très habitué aux compliments, avait-t-il répondu, gêné et de plus en plus troublé. J’espère pouvoir vous remercier, un jour ou l’autre.

Le regard de Jane s’était subitement troublé ; elle avait décroisé les jambes et, toujours assise sur le bord du bureau, s’était penchée vers lui, lui offrant une belle vue sur l’intérieur de son chemisier entrouvert.

- Un jour ou l’autre, avait-elle murmuré d’une voix chaude, c’est beaucoup trop loin pour moi. Qui peut savoir ce que nous réserve demain ? Je veux que vous me fassiez l’amour, Marc, ce soir, ici, sur ce bureau !

Tout en parlant, Jane avait retiré l’un de ses escarpins ; son pied nu s’était glissé entre les cuisses de Marc, massant une verge durcissant très vite. Fou de désir, il avait saisi le petit pied et l’avait couvert de baisers, s’attardant longuement sur les orteils, avant de remonter le long de la cheville, puis du mollet. Appréciant le traitement infligé, Jane s’était cambrée en arrière, les yeux clos et la respiration rapide. Peu à peu, il avait glissé le long de la cuisse, repoussant toujours un peu plus la jupe, jusqu’à se retrouver devant le dernier rempart protégeant le joyau féminin. Elle avait été parcourue par de nombreux frissons durant toute la lente ascension de son amant et un long soupir d’extase s’était échappé de sa gorge, lorsque la bouche de Marc s’était collée à sa féminité au travers du fin tissu de coton. Elle avait placé ses jambes sur les épaules viriles et avancé un peu plus son bassin pour mieux s’offrir à cette chaude caresse. Il avait alors écarté la culotte, humé un instant la douce odeur émanant de l’antre humide, puis avait commencé à jouer avec le clitoris, l’agaçant du bout de la langue. Enfin, il l’avait pris dans sa bouche et entamé une succion qui avait déclenché une véritable fontaine.

Jane s’était mise à gémir de plus en plus fort ; sa respiration était devenue saccadée et son corps s’était mis à bouger dans tous les sens. Au moment de l’explosion, elle avait agrippé les cheveux de son amant et ses cris avaient empli toute la pièce et les couloirs déserts du journal. N’y tenant plus, alors que Jane était encore secouée par des spasmes, Marc avait baissé son pantalon et avait planté sa verge au plus profond de l’intimité féminine. Ses vas-et-viens, tout d’abord lents, s’étaient vite accélérés, devenant plus fort, presque bestial. Jane avait été secouée par un nouvel orgasme, encore plus puissant que le premier et Marc s’était rapidement retiré, au moment où il avait senti venir sa propre jouissance, et avait inondé, de sa semence, les cuisses de Jane.

- Faut pas rester là, monsieur ! Vous allez finir par vous faire écraser !

Marc ouvrit les yeux en sursaut. Revenant à la triste réalité du moment, il aperçut une petite colonne de Sherman qui montait dans sa direction.

- Tout va bien, monsieur ?

- Oui, soldat, répondit Marc en se relevant, tout va bien.

A son tour, Marc prit le chemin qui montait sur le haut plateau, jetant un dernier regard sur la plage.

 

 

Omaha beach, midi et demi.

Par laplumeoccitane46 - Publié dans : Nouvelles en vrac - Communauté : Récits Erotiques X
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