Jeudi 5 mars 4 05 /03 /Mars 19:30

Juillettistes et aoûtiens l’avaient longtemps attendu, puis espéré, mais sans jamais réellement le voir, ou même sans l’apercevoir. Ce ne fut qu’en début de septembre que, contrairement à toute attente,  le Saint Graal des touristes montra enfin le bout de son nez ; dans un ciel d’un bleu très pur, le soleil, puissant et chaud, saluait joyeusement la dernière vague de vacanciers, ceux qui avaient la possibilité de prendre leurs congés en dehors des vacances scolaires, quelques chanceux et chanceuses qui allaient pouvoir profiter de toutes les activités d’un plein mois d’août à des prix plus abordables, avec le monde en moins et la chaleur en plus.


Florence faisait partie de la population des chanceuses. Ces vacances, elle les attendait depuis de longs mois, comme une grande fenêtre s’ouvrant sur un renouveau, sur un air chassant celui, vicié, d’une pièce restée beaucoup trop longtemps dans un obscur enfermement.


Cette pièce, dont votre humble auteur fait référence, n’était autre que le cœur de Florence, un cœur profondément blessé, ayant énormément saigné de douleur, aujourd’hui enfermé derrière une haute muraille infranchissable. Quant à la grande fenêtre, sans doute l’aurez-vous déjà compris, il s’agissait tout simplement, pour elle, de partir loin de chez elle, de cette ville où elle ne voyait plus que de douloureux souvenirs, de fuir, même si ce n’était que pour quelques jours, ces endroits qui lui rappelaient combien un homme avait pu la faire souffrir.


Dans l’idéal, elle aurait désiré partir à l’étranger, dans un pays où le dépaysement aurait été total. Mais, dans la triste réalité, ses finances ne se portaient pas mieux que son cœur. Elle avait donc dû se résoudre à chercher une destination en France, à moindre coût, mais un lieu, toutefois, où il restait encore une chance de trouver un chaud soleil au mois de septembre : la Provence. Après de courtes recherches sur INTERNET, elle avait opté pour un camping situé à Aubagne, d’où elle pourrait partir visiter plusieurs endroits sans avoir à trop utiliser sa voiture.


Tirant son nom du massif au pied duquel il est installé, le camping du Garlaban est un véritable havre de paix de 7 hectares, érigé sur les hauteurs d’Aubagne, où oliviers, pins et chênes se partagent merveilleusement la place, nichés entre tentes diverses, caravanes et tipis. Pris dans les mélanges de senteurs naturelles, et dans les chants incessants des cigales, le campeur est rapidement happé par le charme provençal des lieux, comme s’il entrait dans un autre monde, exactement ce que cherchait Florence.


Elle était arrivée au camping en fin de matinée, à l’issu de près de quatre heures de route sans encombre. Après un rapide passage à l’accueil, elle avait été choisir un bon endroit où planter sa petite tente ; la plupart des aoûtiens étant partis, elle avait eu l’embarras du choix, ce qui, bien souvent, rend le choix encore plus difficile. Au final, elle avait jeté son dévolu sur un emplacement qui lui parut être comme sous la protection deux grands chênes.


Après le montage de sa tente, l’un de ces modèles qui se monte pratiquement en un seul geste, elle était allée se rafraîchir sous une bonne douche, puis avait pris un sommaire déjeuner, après quoi elle avait décidé de passer le restant de l’après-midi à rêvasser, allongée sur une couverture, en short court et top tombant au-dessus du nombril. Demain serait un autre jour, où elle partirait à la découverte des joyaux cachés de la Provence.

Thierry se dressa sur ses pédales pour donner un peu de relance à son vélo chargé de quatre sacoches qui semblaient pleines à craquer. L’ultime côte de la journée, sous un soleil qui entamait tout juste sa descente, lui donnait du fil à retordre. Malgré sa grande expérience de cycliste, les quelques 150 kms qu’il avait parcouru, depuis le début de la matinée, pesaient sur ses muscles saillants, pas encore au point de le faire souffrir, mais suffisamment pour qu’il désire ardemment voir apparaître l’entrée du camping. Il avait hâte de poser sa tente, avant de courir prendre une douche bienfaisante, réparatrice.


Maillot grand ouvert sur une poitrine dorée par le soleil, il se remit une nouvelle fois en danseuse et poussa un soupir de soulagement en apercevant enfin les barrières blanches du Garlaban.

Bercée par les chants des cigales, Florence avait fini par s’assoupir sur la couverture qu’elle avait tirée devant sa petite tente. C’est un  cliquetis incessant, celui très caractéristique de la roue libre d’un vélo,  qui lui fit rouvrir les yeux,  plus par curiosité que par réel dérangement. Derrière ses lunettes de soleil, elle observa, avec un certain intérêt, le nouvel arrivant qui cherchait un endroit où se poser. Il trouva rapidement son bonheur en s’installant, pile poil, sur l’emplacement qui faisait face au sien. Il posa son vélo contre un chêne et retira méthodiquement son casque, puis ses mitaines, avant d’ouvrir l’une de ses sacoches d’où il tira son matériel de camping.


Toujours allongée sur sa couverture, la tête légèrement surélevée par un petit oreiller, Florence détaillait attentivement le cyclotouriste. Il avait un corps plutôt fin, même si ses cuisses étaient admirablement musclées, et devait avoir la quarantaine passée. Sa chevelure était clairsemée et tirait sur le châtain clair et il avait de belles mains, aux doigts longs et fins. Ses yeux étant aussi masqués par des lunettes de soleil, elle ne pouvait les voir, et elle se demanda s’ils se pouvaient qu’ils soient de couleur noisette. N’allez pas croire que Florence vouait une passion particulière aux cyclistes, mais un détail faisait qu’elle fut, malgré elle, peut-être sans vraiment sans rendre compte, fort intéressée par ce nouvel arrivant.


Durant plusieurs jours, une de ses collègues de travail, une bonne copine, n’avait cessé de lui parler d’un livre qu’elle était en train de lire, en vantant la qualité d’écriture et la beauté de l’histoire. Il s’agissait d’un roman érotique, littérature dont la seule expérience de Florence avait été 50 nuances de Grey, une expérience qui ne l’avait pas particulièrement emballée, en tout cas pas suffisamment pour avoir envie de reprendre un livre de ce genre. Cependant, cette amie avait été si élogieuse, qu’elle avait fini par piquer sa curiosité, jusqu’à lui demander si elle pourrait lui prêter ce livre une fois qu’elle l’aurait terminé, demande à laquelle sa copine répondit favorablement.


Dès la lecture des premières pages, elle s’était rendu compte que l’écriture n’avait aucun rapport avec celle du roman d’E.L James ; elle était beaucoup plus fluide, bien plus agréable, et elle semblait avoir la faculté de vous embarquer, avec une facilité déconcertante, là où son auteur voulait que vous alliez. En tout cas, ce fut le cas pour Florence qui dévora le livre en deux jours seulement.


L’histoire n’avait aucun rapport avec 50 nuances. Bien loin du monde du BDSM, abordé par E.L James, l’histoire relatait une rencontre entre un homme, de plus de quarante ans, et une jeune femme, pas encore trentenaire, durant leurs vacances dans le sud-ouest de la France. Le petit détail, qui intriguait tant Florence, était que les deux protagonistes passaient leurs vacances à vélo et, plus elle le détaillait, plus elle trouvait que Thierry ressemblait étrangement au cyclotouriste du livre.


Nous avons tous ressenti, au moins une fois dans notre vie, cette curieuse sensation, comme un poids sur la nuque, qui nous fait penser que nous sommes observés. C’est un sentiment pressant, parfois oppressant, qui finit par nous pousser à nous retourner et à scruter les alentours pour trouver qui nous surveille ; Thierry ressentait ce poids depuis quelques minutes et, tout en continuant le montage de ses piquets de tente, il se retourna naturellement et aperçut la femme qui se trouvait à une dizaine de mètres devant lui. Elle était parfaitement immobile, comme plongée dans un profond sommeil, mais il devina ses yeux grands ouverts derrières les épaisses lunettes de soleil.


Il lui donna une quarantaine d’année, peut-être légèrement plus. Elle avait un corps très fins, avec de longues jambes qui semblaient luirent sous le soleil. Sa petite poitrine se soulevait de façon régulière et son visage, parsemé de petites taches de rousseur, était fait de traits fins, presqu’angélique. Ses cheveux, coupés à mi-nuque, avait une belle couleur rousse. « Une bien belle femme », pensa-t-il en lui adressant un grand sourire en guise de salut.


Florence se sentit aussitôt prise par une sorte de petite panique, honteuse de s’être fait prendre dans une espèce de voyeurisme. Elle ferma les yeux et osa à peine respirer, comme si cet état pouvait suffire à la faire disparaître dans le sol ou à la rendre invisible au regard de l’inconnu. Elle entendait cogner son cœur contre sa poitrine et eut le sentiment que tous les campeurs pouvaient aussi l’entendre, à commencer par celui qu’elle épiait depuis son arrivée. « Il a un beau sourire », pensa-t-elle en relevant lentement ses paupières.


Thierry lui avait à nouveau tourné le dos, affairé à tendre correctement sa toile de tente. Elle se sentit presque déçu, s’attendant encore à le voir lui sourire ; après tout, elle n’avait fermé les yeux que quelques petites secondes.


Elle oublia vite sa déception et porta son regard sur le cuissard de Thierry ; c’était un vrai cuissard de cycliste, ultra moulant, épousant toutes les formes du fessier et des cuisses. Elle se remémora un passage du livre, celui où Rémi explique à Cerise qu’il est préférable de ne pas porter de sous-vêtements sous un cycliste, afin d’éviter les brûlures dues aux frottements aux entrecuisses ; elle se demanda si cet homme respectait cette même règle et se surprit à souhaiter qu’il se tourne pour évaluer la bosse qui devait déformer le cuissard. Elle se rendit alors compte qu’elle était gagnée par d’étranges sensations, par un trouble des sens et du corps qu’elle n’avait plus éprouvé depuis fort longtemps, si ce n’est lors de la lecture du livre. Décidemment, ce roman lui avait un effet bien plus subtil qu’elle ne l’avait imaginé.


Thierry planta la dernière sardine et se redressa à jetant un œil furtif sur sa vis-à-vis. Il avait toujours ce sentiment, devenu une certitude, qu’il était sous l’observation de cette belle femme rousse et il se demandait bien quelle pouvait être la raison d’un tel intérêt. Il devinait qu’elle devait être seule, sa tente étant bien trop petite pour accueillir plus d’une personne, en tout cas pour y dormir, et il ressentait comme une grande tristesse se dégager d’elle. Il secoua vivement la tête et alla détacher toutes ses sacoches du vélo qu’il déposa ensuite au pied de sa toile de tente. De l’une d’elles, il tira un nécessaire de toilette et une serviette ; d’une autre, il sortit un pantacourt, un tee-shirt et un caleçon ; le moment de la douche réparatrice était arrivé.


Florence décida de sortir enfin de son immobilisme et se redressa sur son séant. Ce mouvement suffit à attirer l’attention de Thierry sur elle le rouge lui monta aux joues lorsqu’il lui adressa un nouveau sourire, auquel, cette fois, elle répondit timidement par un geste de la main. Elle aurait voulu dire quelque chose, ne serait-ce qu’un simple bonjour, mais aucun mots, en tout cas cohérents, ne semblaient vouloir sortir de son esprit. Elle se contenta d’observer l’inconnu s’éloigner lentement vers le bâtiment des douches et pensa à une autre scène du livre, un passage qui augmenta un peu plus le trouble en elle.

Lorsqu’il regagna sa tente, après une longue douche qui avait miraculeusement gommé toute sa fatigue musculaire, Thierry trouva la femme rousse affairé à faire chauffer de l’eau dans une petite casserole posée sur un réchaud de camping. Cela lui rappela qu’il était en panne de bouteille de gaz pour son propre réchaud et que, contrairement à ses espoirs, il n’avait pu trouver une bouteille de rechange à la superette du camping. Cela allait l’obliger à manger froid ce soir : le centre-ville d’Aubagne n’était pas très éloigné, mais il ne se sentait pas d’y faire un aller-retour, son corps lui signifiant qu’il avait assez pédalé pour aujourd’hui.


Florence lui tournait légèrement le dos, accroupie devant sa casserole. Il remarqua qu’elle avait un tatouage qui partait d’au-dessus des reins, pour disparaître sous le short. En regardant plus attentivement, il devina qu’il s’agissait d’un dessin imitant les croisés d’un lacet de corset.


Profitant qu’elle ne pouvait pas le voir dans cette position, il la détailla encore plus attentivement et il fut rapidement charmé par les courbes superbes de son corps, par cette chute de rein merveilleusement dessinée, par cette nuque si fine sur laquelle il devait être agréable de promener ses lèvres. Plus il l’observait, plus il la trouvait belle et plus il se demandait pourquoi il n’avait jamais mis en scène une héroïne rousse dans ses histoires.

Sans même vous voir, je vous devine interloqués par mes derniers mots : mettre en scène une héroïne ?...


 J’ai toujours été fasciné par la manière dont le destin peut se comporter avec nous, imprévisible, bien sûr, mais parfois si incroyablement stupéfiant, joueur, taquin… Cela en est parfois si gros, qu’il nous semble improbable que tel ou tel évènement puisse réellement se produire autre part quand dans le récit d’un auteur emporté par son imagination. Mais les hasards d’une vie, qu’ils soient heureux ou malheureux, ne sont pas l’apanage d’un romancier, quel que soit son talent.


Quel est donc ce hasard dont je veux parler ? Qui est Thierry ? Il vous suffit de continuer votre lecture pour trouver les réponses…

Florence versa l’eau chaude dans une tasse au fond de laquelle reposait un sachet de thé vert. Ce faisant, elle remarqua le manège étrange de Thierry s’évertuant à vouloir diluer du café soluble dans de l’eau froide. Il avait un air très décidé, mais, aux mimiques de son visage, elle devinait qu’il était loin d’être satisfait du résultat obtenu. Elle ne put s’empêcher de sourire.


Ce genre de café n’est vraiment pas fait pour être soluble dans de l’eau froide, dit-il tout haut.

Je crois aussi, répondit Florence en riant plus franchement. Mais vous me semblez tenir fortement à votre café froid !

En fait, non. Je veux juste un café, mais je suis tombé en panne de gaz et le camping est en rupture du modèle dont j’ai besoin.

Ceci explique cela… Puis-je vous inviter à venir vous servir de mon eau chaude ?

Avec grand plaisir, madame.

 

Flo    Florence se leva à l’approche de Thierry et lui tendit la main.


Thierry, répondit-il en relevant ses lunettes de soleil sur le haut de son crâne.


Elle frissonna tout en lui serrant la main, un frisson dont elle espéra qu’il était passé inaperçu, une émotion passagère qui n’était pas due au simple contact chaud des mains, mais bien au regard noisette qui s’était planté dans le sien, un regard extraordinairement profond, comme celui que décrivait l’auteur du livre, peut-être encore plus profond.


Asseyez-vous, je vous en prie. Ma couverture n’est pas des plus confortables, mais je n’ai malheureusement que ceci à vous proposer.

Après de longues heures sur une selle de vélo, un petit rien vous semble d’un confort divin.


Elle remarqua la voix grave et chaude de Thierry, tout comme la pointe d’un accent du sud, et, une fois encore, elle fit un parallèle avec le personnage de Rémi, à tel point que, durant quelques secondes, elle eut l’impression d’être plongée au cœur de ce livre, d’être devenue Cerise, en plus âgée, et d’avoir réellement à faire à Rémi. Ces petits détails étaient d’une coïncidence déconcertante.


Elle retira ses lunettes de soleil et ce fut au tour de Thierry de frissonner sous le regard émeraude de son hôtesse.

Il y eut tout d’abord ce passage obligé, ce moment qui se produit dans certaines circonstances et qui vous fait chercher vos mots, cet instant où une certaine gêne s’installe, gêne étrange, ressemblant fort à une forme de timidité. Elle s’empare de vous et vous donne l’impression d’être devenu stupide, d’avoir perdu toute assurance, toute contenance. Parfois, elle vous fait papillonner le ventre, vous fait rougir, balbutier.


Après les quelques minutes, qui leurs semblèrent une éternité, que dura cet instant, Florence et Thierry engagèrent une longue conversation, un dialogue appartenant à cette éphémère phase qu’est la découverte. Chacun à tour de rôle, sans jamais se couper la parole, ni même sans passer du coq à l’âne, ils se présentèrent, mettant inconsciemment en avant leurs qualités, rirent aux éclats devant les petites blagues glissées aux bons endroits, et se sentirent charmés sous le pouvoir de certains mots pourtant anodins ; lentement, ils glissèrent de la phase de découverte à celle de la séduction, jeu magnifiquement subtil, que l’on attribut, souvent à tort, à un désir sexuel. Généralement, c’est dans cette seconde phase qu’arrive naturellement le tutoiement ; il coule tellement de source, qu’aucune des parties ne s’aperçoit vraiment que le « tu » est venu remplacer le « vous ».


C’est quand même dingue que tu sois journaliste ! s’exclama Florence.


Thierry venait tout juste de lui expliquer qu’il n’était pas exactement en vacances, qu’il écrivait en fait un article sur le cyclotourisme et avait décidé de passer une quinzaine de jours sur un vélo pour mieux se plonger dans l’atmosphère. En réalité, ce n’était pas vraiment nouveau pour lui, car il était un fervent adepte de la petite reine et des vacances à vélo, mais il avait eu envie d’être sur les routes pour écrire son papier.


Pourquoi est-ce dingue ?

Une copine m’a prêté un livre… C’est un roman érotique, précisa Florence presqu’à mi-voix et en piquant un petit fard.

Tu lis de la littérature érotique ? fit Thierry sur un ton faussement moqueur.

Normalement, non… Mais ce livre est vraiment sensas ! Je ne te choque pas au moins ?


Il faillit lui répondre qu’il avait aussi écrit un livre érotique, mais, pour une obscure raison, il se ravisa au dernier moment.


Bien sûr que non ; les temps, où ce type de littérature étaient au banc de la société, sont révolus, fort heureusement. Il y a de bons et de -mauvais auteurs dans le monde érotique, comme il y en a de bons et de mauvais dans tous les autres domaines d’écriture.

En effet. Celui-là se classe plutôt dans les bons !

Et donc, qu’est-ce qui est dingue dans le fait que je sois journaliste ?

En fait, il n’y a pas que ça… Tu ressembles étrangement au personnage de Rémi.

Rémi ? Quel est donc le titre de ce roman ?

Le temps des cerises !


Thierry fit un gros effort pour ne pas montrer l’émotion qui venait de le gagner. Le temps des cerises… Son bébé… Son premier roman…


Thierry était connu en tant qu’écrivain, tout autant qu’il l’était en tant que journaliste : pas du tout. Son livre était en vente, en auto-édition, sur un grand site INTERNET, mais, faute de publicités, faute d’un nom non connu et encore moins reconnu, les ventes étaient plus proches du niveau de la mer que de la stratosphère. Tomber ainsi sur une des rares personnes qui l’avait lu, lui parut effectivement être complètement dingue, improbable, digne d’une scène qui aurait été écrite par un romancier… Surprenant est ce destin.


Physiquement, continua Florence, ce Rémi te ressemble beaucoup, jusque dans l’accent du sud ! Et il est aussi journaliste !... Tu viens de quelle région ?

Le Lot, répondit timidement Thierry devinant déjà la réaction de Florence.

Lui aussi ! C’est complètement fou ! Il est de Figeac.

Je connais bien cette ville, patrie de Champollion.

Maintenant que j’y pense… L’auteur a le même prénom que toi.


Thierry esquissa un petit sourire et c’est alors que Florence réalisa, avec stupeur, qu’elle était en train de discuter avec celui qui lui avait donné un peu de rêve et  du désir durant un peu plus de 400 pages.


Je crois bien, Florence, que tu dois être la seule personne, à 500 km à la ronde, à avoir lu ce roman… Tu as employé la bonne expression : c’est dingue !

Wow… Je me sens soudainement très intimidée.

Il n’y aucune raison de l’être.


Ce que Florence ne disait pas, c’est qu’il y avait eu des passages qui l’avaient fortement perturbée, au point d’éprouver le besoin de se caresser pour calmer son corps, un trouble, des désirs qui l’avaient rassurée, lui montrant qu’elle était restée femme malgré toutes ses souffrances. A présent, l’homme responsable de ces troubles se tenait face à elle et, oui, il l’intimidait.


Tu as donc créé un Rémi à ton image ? … Tu as aussi une cicatrice à l’abdomen ?

Non, répondit Thierry en éclatant de rire, pas plus que je n’ai été un grand reporter… As-tu faim ? demanda-t-il en consultant sa montre.

Un peu, oui.

Alors, je te propose de nous rendre à Aubagne, de trouver un bon petit restaurant et de nous restaurer tout en continuant à converser ainsi.

Ta proposition est alléchante… Laisse-moi juste le temps de me changer.

Il était près de minuit quand Florence et Thierry retournèrent au camping. Pour respecter la tranquillité des campeurs, les barrières restaient fermées, passées 22 heures, aussi Florence dut-elle garer sa voiture sur le parking visiteurs.


La nuit était extrêmement douce, presque de manière anormale pour un début septembre. Le ciel était clair, parsemé de centaines d’étoiles et des senteurs d’oliviers venaient flatter les narines, portées par un petit vent de sud qui faisait aussi voleter la petite robe noire qu’avait revêtue Florence.


Ils s’engagèrent en silence dans l’allée qui menait à leurs tentes. Ils marchaient si près l’un de l’autre, que leurs mains se frôlèrent souvent, par accident la première fois, par désir toutes les fois qui suivirent. Le dîner s’était déroulé à la perfection, comme dans un rêve, ou bien comme dans un roman, ce qui, quelque part, revient à dire la même chose. Durant le repas, le jeu de la séduction s’était encore plus intensifié, devenant plus calculé, tant l’un avait le désir de charmer l’autre, et inversement. Thierry s’était comporté en parfait gentleman, un de ces gentlemen qui vous semblent tout droit venu d’un autre temps. Avant même qu’elle ait pu s’en rendre compte et émettre une protestation, il avait réglé l’intégralité de la note du restaurant. Il lui avait tenu les portes, lui avait ouvert la portière de la voiture… Ce soir, elle s’était sentit, pour la première fois depuis longtemps, une femme mise en valeur, une femme respectée.


J’ai passé une excellente soirée, murmura Florence. Il y a bien longtemps que cela ne m’était pas arrivé et je t’en remercie.


Ils s’étaient arrêtés dans l’allée, à peu près au centre entre leurs tentes respectives. Ils se faisaient face, ne se quittaient plus du regard. Dans la nuit, les yeux de Florence semblaient être devenus encore plus verts, plus luisants, comme si une lumière interne s’y était allumée. Il se rappela de ce qu’il avait écrit concernant les yeux verts de Cerise, alors qu’il plaçait ses deux protagonistes au fond d’un gouffre, et se rendit compte, ce soir-là, que le regard qui soutenait le sien était encore plus merveilleux que tout ce qu’il avait pu écrire. Il pensa qu’il n’existait peut-être pas de mot pour décrire la beauté de ces deux émeraudes, ou bien qu’il n’était pas assez bon pour en trouver.


Je ne pensais pas qu’un homme comme Rémi puisse exister autrement que dans un livre, reprit Florence. Merci de m’avoir montré qu’il n’est pas qu’un simple personnage de roman.


Touché au cœur, Thierry se pencha sur le visage de Florence, repoussa les cheveux qui cachait son oreille et approcha ses lèvres.


Laisse-moi te murmurer un baiser, dit-il en la sentant tressaillir.


Florence ferma les yeux et laissa échapper un soupir lorsque les lèvres masculines s’emparèrent du lobe de son oreille. De petits papillons volèrent dans son estomac, quand ces mêmes lèvres déposèrent leur murmure, et elle ne résista pas plus longtemps au désir de se blottir dans les bras de Thierry. Elle leva la tête et ses lèvres cherchèrent celles de l’homme qui allait devenir son amant. Au fond d’elle, elle savait que cette histoire n’avait aucun lendemain à espérer. Demain, ou peut-être le jour suivant, il reprendrait sans doute sa route. Certes, ils s’échangeraient sans doute leurs adresses, pour ne jamais s’écrire, et se feraient peut-être de stupides promesses qu’ils ne tiendraient pas. Elle savait tout ceci, mais cela n’avait aucune importance à cet instant précis. Elle souhaitait simplement lâcher prise pour une nuit, se laisser aller, se laisser emporter dans les griseries d’une folle nuit d’amour. Ce n’était pourtant pas son genre ; cela ne l’avait jamais été ; elle n’était pas une femme à coucher dès le premier soir. Mais, cette fois, c’était différent. En quoi ? Sans doute dans le fait qu’elle se sentait enfin revivre en tant que femme et qu’elle voulait en profiter avant que cette sensation ne disparaisse à nouveau.


Leurs lèvres flirtèrent, se caressèrent, puis se soudèrent et s’ouvrirent pour laisser le soin aux langues d’achever de mettre le feu aux deux corps enlacés. Thierry fit glisser ses mains le long du dos de Florence, tandis que cette dernière plantait ses doigts dans ses cheveux. Il se mit à masser fermement son fessier ; elle se colla encore plus à lui et sentit une forme durcir contre son ventre. Les mains viriles glissèrent sous sa robe et les doigts longs et fins coururent sur ses cuisses. Elle sentit son corps se liquéfier, mouiller sa petite culotte, et sa gorge se noua sous l’effet du désir. Elle posa une main sur la proéminence qui déformait le pantalon et son esprit s’emballa aussitôt.


Fais-moi l’amour ! Je veux sentir ton sexe en moi, maintenant !


Thierry eut la sentiment d’avoir fait dire à peu près les mêmes mots à Cerise. Mais ce n’était pas Cerise qu’il serrait dans ses bras, mais bien une femme dont le parfum et le corps l’enivrait. Il n’était pas dans l’écriture d’une quelconque histoire érotique : il en vivait une.


Il s’empara à nouveau de la bouche de Florence et l’embrassa plus fougueusement, presque sauvagement. Tout en reculant sous le passionnel assaut, cette dernière lui rendit son baiser avec la même fougue, plantant ses ongles dans sa nuque.


Elle sentit quelque chose dans son dos, un obstacle qui l’empêcha de reculer plus loin. Leurs lèvres se dessoudèrent et, le souffle court, elle se rendit compte qu’elle était dos à l’un des chênes qui s’élevaient au-dessus de sa tente. Elle jeta un rapide coup d’œil alentour, pour s’assurer qu’il n’y avait pas d’autres campeurs à proximité, puis, d’une main rendue nerveuse par l’excitation, elle baissa la braguette du pantacourt de Thierry, plongea à l’intérieur, passa le barrage du caleçon et s’empara du sexe le tirer à l’extérieur. Son regard s’illumina encore d’un ton lorsqu’elle put admirer cette verge si bien dressée et un feu digne des enfers s’alluma dans ses reins.


Prends-moi ! dit-elle en plantant un regard sauvage dans celui de Thierry.


Pris à son tour par l’ivresse du désir, il la fit se retourner, se pencher en avant, et retroussa sa robe au-dessus de ses hanches. D’un doigt, il suivit le tracé du tatouage, puis glissa le long de la petite culotte, surpris de la sentir déjà si humide.


Prends-moi ! répéta Florence. Je veux sentir ton sexe remplir mon antre !


Thierry écarta la culotte et fit glisser son gland entre les grandes lèvres, de haut en bas, puis de bas en haut. Florence poussa un gémissement et se cambra pour aller à la rencontre de la verge tant désirée. Elle arriva enfin à l’emprisonner et elle soupira d’extase en sentant le membre se frayer un lent passage dans sa vulve.


Lorsqu’il fut planté jusqu’à la garde, Thierry marqua une courte pause pour laisser la chaleur de l’antre féminin se répandre dans tout son corps au travers de sa verge. Puis il plaça ses mains à plat sur les hanches de Florence et commença à entamer de lents va-et-vient.


Florence crispa ses doigts et ferma les yeux. A chaque fois que le membre sortait d’elle, elle avait l’impression qu’il aspirait délicieusement ses chairs ; à chaque fois qu’il la pénétrait, c’était comme si elle était parcourue par des dizaines de petits courants électriques qui la faisaient trembler de toute part.


Mon Dieu… C’est si bon… lâcha-t-elle au milieu d’un râle sourd.


Elle sentit les doigts de son amant lui enserrer un peu plus la taille, puis il accéléra brusquement sa cadence. Les coups de boutoirs devinrent si violents, qu’elle avait l’impression qu’ils faisaient résonner tout son être et qu’ils pouvaient être entendus dans tous le camping. La verge écartelait ses chairs, les faisait entrer en fusion, et semblait avoir pris encore plus de volume. Elle ressentait parfaitement le gland qui venait caresser une partie extrêmement sensible de sa paroi vaginale ; les va-et-vient étaient si rapides, que cette caresse paraissait être incessante et faisait grossir une boule en elle. Tant bien que mal, elle tentait de contenir la puissance de ses gémissements, de crainte qu’ils n’alertent les autres campeurs. Mais, plus le plaisir s’emparait d’elle, plus elle perdait le contrôle de son esprit, de son corps et de ses cris. Cela faisait si longtemps qu’elle n’avait plus été ainsi honorée, qu’elle sentait que son orgasme allait venir vite et serait explosif, fulgurant.


Les doigts de Thierry se raidirent et ses râles sonnèrent mélodieusement dans les oreilles de Florence. Au moment où une vague puissante se soulevait dans ses reins, elle sentit le sperme chaud se répandre en elle, percuter le fond de sa paroi, frapper chaque parcelle de son vagin à mesure que la verge se retirait d’elle ou la pénétrait. La vague devint raz-de-marée, puis explosion et l’onde de choc lui fit pousser un cri qu’elle ne put contenir. Sans plus aucune retenue, oubliant où elle se trouvait, oubliant les campeurs qui pouvaient entendre ses cris de bonheur, elle lâcha totalement prise et se laissa emporter par les vagues puissantes d’un orgasme formidablement ravageur.


 

A bout de souffle, tremblante de tous ses muscles, elle se laissa glisser au sol, soutenue par Thierry. Elle lui jeta un regard de gratitude et rêvait déjà de recommencer, juste après qu’elle ait repris le contrôle de sa respiration et de son corps. En attendant, elle posa sa tête contre la poitrine de son amant et se laissa bercer par les battements rapides et régulier de son cœur.

Par laplumeoccitane46 - Publié dans : Nouvelles en vrac
Ecrire un commentaire - Voir les 0 commentaires
Retour à l'accueil

Roman érotico-sentimental

81BqbOgZTBL._SL1500_.jpg

Créer un Blog

Recherche

Calendrier

Mai 2024
L M M J V S D
    1 2 3 4 5
6 7 8 9 10 11 12
13 14 15 16 17 18 19
20 21 22 23 24 25 26
27 28 29 30 31    
<< < > >>

D'autres plumes sensuelles

Créer un blog sexy sur Erog la plateforme des blogs sexe - Contact - C.G.U. - Signaler un abus - Articles les plus commentés